Martine Estrade



Martine Estrade | Literary Garden

Ce site offre un jardin sauvage d’écrits, empiristes ou inspirés, suscités lors de rencontres artistiques, psychanalytiques, culturelles ou de voyage, à libre disposition des lecteurs artistes, chercheurs ou promeneurs.

Ecosystème créatif s’inspirant du jardin sauvage Saint-Vincent de Montmartre, le site dessine des chemins de traverse pour une errance, ou présente une offrande balinaise de fleurs littéraires.

De formation médicale, psychiatrique, psychanalytique, linguistique et littéraire ayant eu elle même une pratique de recherche scientifique, l’auteur offre ses écrits aux chercheurs de ces différentes disciplines ou au promeneur curieux afin de proposer aux textes une nouvelle vie et de l’inciter, elle, écrivain, à poursuivre ses expériences créatives.

Fleur de frangipanier | Martine Estrade | Literary Garden

Argument



En une galaxie éparpillée sur un terrain vague en devenir, des travaux se consacrent aux liens entre la psychanalyse et de l’art, au langage, à des expériences particulières de création littéraire interactive, de poésie, de carnet de voyages intérieurs et autour du monde, dans l'île saint louis et les autres îles, à la culture indonésienne balinaise, au tango, à des recherches sur la sensorialité, la peau et le toucher, à des écrits humanitaires sur la littérature indonésienne ou le génocide cambodgien.

Le mélange littérature, jardinage, âme, promenade peut paraître surprenant... Pourtant, Mohamed Nedali, un écrivain marocain vivant dans un douar perdu au milieu de paysans analphabètes explique son travail d'écrivain a un paysan en ces termes "je laboure ma feuille blanche comme tu laboures ton champ". Le contenu de ce site correspond à plusieurs champs labourés.

Ce jardin d'herbes folles se veut conservatoire d’un écosystème littéraire créatif spontané et sauvage à l'image de celles de ces herbes qu'on appelle « mauvaises herbes » et qui n'ont de mauvais que de pousser là où elles ne sont pas invitées, preuve de la force de la Nature et de la vie. La friche littéraire se fait miroir ou reflet de rencontres humaines et artistiques au cours de voyages.

Qu'elle soit promenade ou danse comme le tango, la marche, l'errance fait jaillir les métaphores et les images et ramène à la réalité, à la poésie et au paysage. Une installation sur ce thème au Musée des Arts Premiers du quai Branly titrait "il est souvent dit en Asie que le plus difficile n'est pas de marcher sur l'eau mais de marcher sur terre".

Christian David, psychanalyste, poète et peintre travaillant à Montmartre lui rend hommage dans ce poème. Depuis toujours il affirme que la psychanalyse se doit de rendre à la poésie ses droits.

Sur le seuil
La rue descend
Le ciel monte
Passant à l’écoute du vent
Ecoute le monde qui gronde
Ne te laisse pas charmer
Par cette lumière impalpable et si légère
Passant tu perds ton temps
Si tes pas ne vont pas aux noces
De sang
Du ciel qui monte et de la rue qui descend

Les textes du site sont à libre consultation et disposition, à l'image du don en Asie.
Il y a plusieurs années un écrivain chinois originaire de Pekin doctorant et professeur de chinois à Paris déposa dans une maison qu’il ne connaissait pas mais qui abritait des œuvres antiques de chine et d’asie du sud-est, une calligraphie. Elle provenait de son maitre. Ce dernier, âgé, en fin de vie, avait remis à ses disciples et élèves partant dans le monde en dehors de son pays ses plus belles œuvres de jeunesse, composées autour de ses quarante ans dans la plus parfaite maîtrise de son souffle, afin que ceux-ci les déposent dans des « maisons ouvertes » où elles seraient contemplées par des initiés. Tel était le testament de cet homme qui ne souhaitait pas connaître le destin précis des œuvres de sa vie dans les détails matériels mais simplement, que son souffle vital poétique et philosophique se transmette au-delà de lui et de ses héritiers humains directs, par-delà les frontières. Ainsi le voulait, en Chine la coutume en Asie, déposer les œuvres d’art là où l’art se transmettra.
L’écrivain, pénétrant dans la maison et surpris par la présence d’objets artistiques originaires d’Asie avait, presque immédiatement, formulé cette demande manifestant dans sa mimique devant l’acceptation de l’hôte, le soulagement d’avoir réalisé le désir d’un maître qu’il vénérait et d’exécuter son testament. Il ne souhaitait pas le moins du monde nouer une relation personnelle mais simplement assurer le destin de l’œuvre qui l’avait nourri.
Cette calligraphie intitulée d’un caractère qui signifie tout à la fois la générosité et l’indulgence était traduite par « qui se satisfait, qui souvent heureux », l’indulgence et la générosité s’y associent à des calligrammes signifiant valeurs majeures, élevées, satisfaire, toujours, heureux, les plus précieuses, la paix, le beau, le bon. Par contraste, obligatoire et imprimé en opposition visuelle sur l’une des lignes certains caractères, un couteau par exemple signifiaient la blessure, la souffrance.
Enfin figuraient la date, l’hiver 1965, la méthode : la plume, et la signature de l’auteur en deux caractères rouges l’un yin et l’autre yang.

Il est parfois difficile de penser que celui qui laisse une œuvre n’attend pas en retour un bénéfice matériel ou une emprise, ne cherche pas à séduire. C’est pourtant habituel dans le domaine artistique. A la façon des offrandes de fleurs longuement confectionnées, infiniment renouvelées puis déposées à la mer ou sur le temple, l’art enseigne que vivre c’est perdre, avec plaisir, pour la beauté du geste et la possibilité d’imaginer un destin vivant à l’œuvre.
Catherine Parat, Psychanalyste, aujourd’hui retraitée ne dit pas autre chose lorsqu’elle écrit « il faut lire les livres deux fois et la distance dans le temps permet de saisir la modification du souvenir... Il en est de même pour notre vie. Sans doute, il ne reste rien que les déconstructions et reconstructions successives ».

L’être artiste est une façon d’être au monde qui franchit les frontières géographiques, sociales, culturelles, religieuses, sexuelles, et traverse les catégories de langue et de pensée sans s’y asservir. De ces frontières, il n’y a pas déni mais passage. Nathalie Heinich l’a magistralement argumenté dans le livre issu de sa thèse de doctorat « l’elite artiste, excellence et singularité en régime démocratique ».

Et ce dernier terme, la démocratie, n’est pas secondaire. L’art et la psychanalyse ne peuvent s’épanouir sous les dictatures. Avec ses deux siècles de démocraties depuis la Révolution la France attire les artistes du monde entier, la fin d’une dictature (Indonésie, Amérique du Sud) donne lieu à une éclosion artistique.
Le lecteur du site ne s’étonnera donc pas de trouver des écrits sur le génocide cambodgien appréhendé à travers l’art du cinéaste Rithy Panh, ou sur l’œuvre de l’écrivain Pramoedya Ananta Toer écrite en prison sous le régime de Suharto. Ils sont appréhendés sous l’angle de leur issue dans une œuvre.
Chaque visiteur du site pourra se laisser guider par ses pas pour sa promenade.
La page d’entrée et l’argument sont traduits en plusieurs langues ainsi que les introductions aux rubriques et aux textes, les textes ne le sont pas et sont présentés dans la langue d’écriture.

Quelques mots sur le logo : la fleur de frangipanier, symbole des îles et de Bali, joue, sur toutes les îles, le rôle tant d’offrande divine que de parure humaine au parfum capiteux. A Bali, les frangipaniers sont chaque jour entouré d’un tapis de fleurs, ramassées soigneusement dès le lever du soleil par les femmes. La luxuriance de la floraison de l’arbre, infiniment renouvelée est à l’image de l’art. Stylisée par Françoise Grund.