Tsunami : chronique du temps en images



Texte paru dans Le Banian, (n°0) revue de l’association franco indonésienne Pasar Malam, 2005. Thème : le tsunami

Revue Banian - Indonésie | Martine Estrade | Literary Garden

Soudain, l’impensable : la mer se retire à perte de vue. Courant inversé, danse de Saint-Guy des poissons, sous les flots d’une mer d’huile.
Immédiatement, la « vague de port », muraille, déferlante. Déluge, terrorisme tellurique.
Reflux. Amoncellement. Déchets, par milliers de tonnes, cadavres gonflés, mutilés, accrochés, enfouis. Architecture du Désastre. Linceul de boue, arbres déracinés, cargos échoués. Victimes, clonées par la mort.
Morgues gigantesques, incinérations, chapelles ardentes. Identifications désespérées.
Théorie de la tectonique des plaques, fantasme de la colère divine, irreprésentable, de la Nature-Mère.
Tsunami : mot étranger, forces maléfiques, craintes animistes.
Rivages dévastés habités des âmes errantes des noyés sans sépulture.
Le temps s’est figé. Images brutes, fascination. Hébétude. Violence. Apocalypse.
Tsunami : séquence close

Le temps s’écoule, l’appropriation mentale, tente de dépasser la sidération par les images.
Témoignages, réminiscences, fantasmagories liées au souvenir, catharsis, douleur créent des liens psychiques, mettent des mots sur les images traumatiques. La géophysique mondiale s’empare de l’opportunité scientifique. L’humain réintroduit la Connaissance. Aux images du séisme se substituent d’autres représentations : reconstruction, solidarité ou dérives de l’humain.
Le Temps devient appel à la mémoire, aux liens ignorés dans l’énigme de la catastrophe, temps de la Connaissance, images ordonnées de la rationalité, de la psyché.

Ailleurs, au delà
Août 2OO5. Bali, n’a pas vécu le tsunami. Les corolles de fleurs jonchent la plage, oscillent à la crête des vagues, Leurs couleurs rituelles éclatent dans l’ambiance tamisée. Le parfum des frangipaniers flotte, les trilles des oiseaux déchirent le crépuscule.
Déluge de sensations, offrandes quotidiennes à la vie, à la mort, à la déesse des mers.
Ailleurs, sur les zones blessées, nature, architecture et cycles de vie reprennent. Entre ciel et eau.
Le temps ralentit, temps de l’éphémère précieux, vie et spiritualité. Arrêts sur images.

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