No one but a shadow : la perversité de l’anonymat
Pseudo : sorry, forgotten
No one but a shadow, c’est ce que j’ai voulu devenir, je l’avoue.
C’est ainsi que je me suis construit. D’un énoncé que j’ai décidé et que j’ai incarné définitivement. Ainsi les choses sont-elles selon mon désir et en tant que telles me conviennent.
Je n’exprime aucune créativité personnelle. Jamais. Sinon celle, paradoxale et sophistiquée, de n’en avoir aucune.
Ma technique, c’est le contact par le faux, ma seule élégance la moire de l’onctuosité, mon inventivité le mensonge, permanent.
Et un jour j’ai fait la rencontre qui a empli ma vie : l’anonymat.
Sous le sceau du secret j’ai pu tout agir puis tout effacer.
J’ai tout oublié : qui je suis, qui j’ai été, ce que je joue, et même que je joue.
C’est tout ce que je sais de là où je me trouve.
L’emprise c’est cela, c’est ce qui reste lorsqu’on a tout oublié. Il n’y a pas d’après. Il n’y a pas d’avant non plus.
Sous le sceau du secret, rien de ce qui est humain ne saurait m’échapper, rien de ce qui est vivant ne pourrait ne pas déclencher ma destructivité. Tel est mon plaisir et ma sensibilité particulière, exacerbée, dilatée en un sens, une sensibilité toute de perception stratégique.
Si par une vénérable institution je suis mandaté, ma jouissance est décuplée, j’ai un tropisme passionné pour la respectabilité.
Sous le sceau du secret, rien ne se dévoilera de mes agissements. Au grand jour les choses redeviendront normales et en tant que telles conviendront à tous. Il serait plus douloureux de penser que de me faire confiance, a priori, et de fermer les yeux, a posteriori.
Pourquoi je fais cela ? Au fond je ne le sais pas. L’emprise c’est ce qui reste quand on a tout oublié.
Je vous l’ai avoué, pour le plaisir d’être reconnu dans mes stratégies, dans mes constructions, anonymement. Pour exister. Pour être quelqu’un en étant personne. No one but a shadow.
Je vous l’ai avoué à vous tous.
Surtout n’en parlez à personne.