L’île San Francesco del Deserto, solitude initiatique de la lagune de Venise



Iles - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden
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Perle de la lagune , l’île des cyprès révèle des traces d’habitations et de vie quotidienne remontant à l’époque romaine et aux premiers siècles de notre ère ( Ier au IV et Vè siècles).

Une forêt de cyprès émerge de l’eau sur une petite langue de terre au bout d’un long chenal, un bout du monde, au bout de la lagune.

A son retour de Syrie, en 1220, Saint François d’Assise débarqua sur l’île qui se nommera San Francesco del Deserto. La légende dorée affirme que, ce jour là, la tempête sévissait avec rage en mer. A l’approche de l’île, le vent se calma et l’on entendit chanter les oiseaux.

Saint François d’Assise construisit une cabane et planta un bateau de cyprès rapporté d’Albanie. La branche, aussitôt, prit racine. Elle bourgeonna et devint un arbre dont on conserve les restes...

Méconnue, pas même desservie par un vaporetto, l’île fut occupée dès le 13è siècle par les franciscains qui durent l’évacuer au XV è siècle , chassés par une épidémie de malaria qui se déclara.

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Si paisible, si calme, si simple, l’île aux cyprès luxuriante d’arbres et de plantes verdoyantes, accueille dans un monastère franciscain une dizaine de moines et quelques novices venus éprouver la solitude avant de rejoindre l’Ordre. Elle héberge aussi quelques pèlerins à l’écoute de son silence, d’une durée d’avant la parole. On ne peut supporter cette acuité là que si elle est sans répercussion sur la vie, ascèse ou parenthèse.

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Solitude inimaginable où l’on parle aux arbres, aux plantes, aux colombe blanches éparpillées par dizaines sur les toits dans le jardin du monastère , presque apprivoisées, aux animaux sauvages, aux oiseaux de la lagune qui font halte par milliers dans leur migration de l’hiver.

Solitude inespérée, solitude qu’on ne vit plus, solitude initiatique.

En un périmètre de clôture s’éprouve et s’épouse le contour, la lisière de l’eau.

L’île, le monastère, l’île-monastère, invente une intelligence avec la Nature, un lieu de mystère.

Humidités de la terre, des arbres, de la lagune, des chenaux, de la mer, des fontaines du jardin.

Le ciel par dessus la lagune si trouble, si calme.

Solitude où s’inscrivent conjugaison des silences de la lagune et du ciel, mise en abyme de la présence, dissolution de la parole, engouffrement de désirs dont se taira l’existence.

La forêt de cyprès s’érige d’une lumière voilée d’eau.

Le ciel, par dessus la lagune crie, trouble et calme, face à l’illimité de la mer.

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