L’îlot Pétrarque à Fontaine de Vaucluse : la correspondance amoureuse à l’origine de la littérature



Iles - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden
Pétrarque - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden
Pétrarque - Lieux de l'Art et de l'errance | Martine Estrade | Literary Garden

C’est en 1337 que l’écrivain Francesco Petrarca (1304 - s’installe à Fontaine de Vaucluse, il a 33 ans, il y demeurera jusqu’en 1351. Le fief appartient alors aux évêques de Cavaillon, leur château en ruines que Pétrarque aperçoit de sa demeure domine toujours le village. Le site de Fontaine de Vaucluse est, occupé depuis la préhistoire et considéré dès cette époque comme lieu sacré, objet d’un culte fervent, les spéléologues ont découvert des pièces de monnaies antiques dans un canal aménagé pour capter les eaux de la Fontaine et les acheminer vers Cavaillon et Avignon.

Dans la maison de l’écrivain, s’est installé Le Musée-Bibliothèque François Pétrarque consacré à Pétrarque, à l'humanisme renaissant et à l'italianité il ainsi perpétue les liens sentimentaux entre les artistes et le site de la Fontaine de Vaucluse

Né à Arezzo, l’écrivain italien pétrarque y écrira ses œuvres les plus célèbres dont ses poèmes à Laure de Noves dans le Canzoniere. Si Laure apparut à Pétrarque le 6 avril 1327 en l’église Sainte Claire d’Avignon, mais le Canzoniere situera cette scène primitive, date de début de sa passion amoureuse dans le décor de plein air de Fontiaine de Vaucluse. C’est le 6 avril 1348 qu’elle s’éteindra. Les trois fois sept ans de la vie de lLaure sont un signe cabalistique.

Le Canzoniere est un chant d’amour, étrange chimère d’amour sacré et de passion profane. La lamentation amoureuse sollicite, dès le premier vers, l’indiscrète écoute du lecteur.

Vous qui au fil des rimes éparses écoutez

Le son de ces soupirs dont j’ai repu mon cœur

Le cœur pétrarquien, (le mot cœur connaît 267 occurrences dans le poème du Canzoniere), cœur objet mais esclave consentant, vibre sous le joug des souffrances pénitentielles de la passion refusée et de dix années de deuil impossible de la dame de ses pensées.

Le nom de Laure lui même se décline en ses métaphores et ses signifiants : laura , lauro (l’arbre de daphné et apollon), l’auro (l’or de ses cheveux), l’aura (le souffle vital et poétique), laurea (lauriers de la gloire) en une extravagance systématisée qui renvoie au baroque.

L’idolâtrie du nom de Laure sera maintes fois dénoncée, y compris par Pétrarque lui même dans un dialogue fictif avec Saint Augustin intitulé le Secretum, où il fait dire à ce dernier « non moins séduit par la splendeur de son nom que par celle de son corps, n’as tu pas voué un culte d’une incroyable vanité à tout ce qui lui faisait écho »

L’attente des mots de Laure ou des mots dignes de la célébrer constitue le grand thème érotique et poétique du Canzoniere, création acharnée de la vie qu’il faut coûte que coûte tenter de dire, poésie de l’effort et du discernement face à la déraison du langage de l’amour, univers expansif où chaque sonnet est un monde, où l’écriture du désir se fait expérience de l’émoi (é-moi), expérience et suspens de la mort différée par la douceur paradoxale du désir de mourir. La communication extatique des mots en deça des mots du silence de Laure, vivante ou, morte et les proférant dans les rêves de l’écrivain offrent à Pétrarque le ciel et l’enfer de Dante.

Selon les mots de Pétrarque lui même, « l’amour, l’amour de toute une vie est un pari indécis ».

Mais s’agissait il de Laure ? Si son existence est attestée, les amis de Pétrarque ont tout ignoré de Laure de Sade, Laure a appartenu à Dieu et non aux hommes. L’homme Pétrarque avait des chevaux, des domestiques, des enfants, des petits enfants, des maisons, des jardins, des charges politiques et professionnelles et des livres énormes. Le Canzionere est œuvre non histoire.

L’œuvre est intimement liée au lieu .Poésie difficile aux prodiges d’abstraction, l’obscurité de Pétrarque évoque le gouffre clair de la fontaine sacrée dont chaque sonnet tente inlassablement de capter la transparence et la mobilité. Le lien à la Nature de la Fontaine constitue un ancrage pour une langue vertigineuse.

Pétrarque découvrit le site entre 1313 et 1316 ,- il séjourne alors à Carpentras-, lors d’une excursion où il est ébloui par le site.

Il achètera une maisonnette à Fontaine de Vaucluse, sur un îlot jardin niché dans un bras de la Sorgue, en juillet 1337 ( un petit musée est édifié aujourd’hui en ce lieu ) , il a alors juste 33 ans et se lie d’amitié avec l’évêque voisin de Cavaillon. Il y retrourne en 1342 pour une année, écrit le premier tome du Canzoniere et entreprend le Secretum. Il y reviendra entre ses voyages ses activités professionnelles et sa vie en Italie en 1945. La découverte à cette époque des lettres à Atticus de Ciceron lui inspirera l’idée de réunir sa propre correspondance , de correspondre avec les écrivains de l’antiquité et de poursuivre le Canzoniere. Pétrarque séjourne à nouveau à Fontaine de 1351 à 1353. Les réecritures ultérieures auront lieu en Italie, en 1358, 1362, 1371, 1373. Un projet de voyage à Fontaine de Vaucluse en 1371 sera contrarié par un accès de fièvre, .L’œuvre s’achèvera avec la mort de l’auteur en juillet 1374 d’un ultime accès de fièvre.

« Il ne fut jamais lieu où je pusse voir clairement ce que je voudrais voir depuis que je ne le vois plus » écrit Pétrarque dans le sonnet intitulé « les lieux qui me parlent d’elle après sa mort ». Nul doute que le lieu sacré de la Fontaine et la résonance intime de l’écrivain avec lui ait inspiré cette œuvre immense du Canzionere , œuvre originaire pour l’humanisme et la littérature italienne.

De ses séjours à Fontaine de Vaucluse, Pétrarque écrivit : « de tout le temps que j’ai vécu, je peux bien dire celui que j’ai passé ici mérite seul le nom de vie »

La renommée du poète italien fut telle qu’à sa suite, dès le 16 è siècle, de nombreux écrivains et des personnalités se rendirent en pélérinage pour lui rendre hommage sur le site de Fontaine de Vaucluse.

Le gouffre de la Fontaine, lieu de prédilection de l’écriture de Francesco Petrarca illustre le lien entre Nature et poésie et met en abîme , à l’origine de la littérature italienne , la sentence mallarméenne : « rien n’aura eu lieu que le lieu »

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