Damas : géographie du sacré sur le site de la mosquée des Omeyyades



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Damas, ville mystérieuse. Le nom seul , entré dans l’usage courant, attire les fantasmes , du « chemin de Damas » aux lames damasquinées des poignards, de la rose de Damas exportée jusqu’à provins aux étoffes damassées, la capitale syrienne véhicule l’image de l’élégance et du raffinement oriental.

Située dans la ghouta, oasis aux limites du désert, au pied d’une montagne, bénéficiant de sources et de rivières et d’une végétation luxuriante, elle fut constamment habitée depuis près de 6OOO ans.

Les très belles mosaïques de verres byzantines de la porte Ouest de la mosquée des omeyyades donnent une idée de la richesse de la végétation de la Ghouta aux arbres chargés de fruits au bord de la rivière Barada, représentation du paradis mythique. La totalité de la mosquée en était couverte avant qu’elles ne soient dégradées par les tremblements de terre et surtout incendie de 1893


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La grande mosquée des Omeyyades siège au centre des quartiers séculaires de la ville. Damas dispute à sa rivale Alep le statut de la ville la plus anciennement peuplée au monde, depuis plus de 6000 ans. Alep, partage également avec Damas la succession, dans sa citadelle, des cultes les plus anciens selon une stratification progressive. Un temple Egyptien avec 34 gigantesque stèles vient d’y ’être découvert le long de la mosquée à l’intérieur de la forteresse.

Déjà présente sur les tablettes d’argile de Mari premier centre de l’écriture (2500 avant JC) sous le nom de Dimashka, la ville de Damas persiste, citée dans celle d’Ebla nommée Dimaski puis sur les papyrus Egyptiens au XIV siècle avant JC. Autour de 1200 avant JC débuta un long règne Araméen jusqu’en 732 avant JC où les Assyriens la conquirent jusqu’à sa destruction en 572 par Nabuchodonosor roi de Babylone qui la rasa. Persane sous Cirus, conquise ensuite par Alexandre le grand en 332, elle connut une petite période nabatéenne puis fut conquise par les romains en 64 avant JC Ils en firent une ville prospère où subsiste aujourd’hui encore aqueducs et vestiges tels que les portes de la ville.


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Hadrien la dénomma Metropolis en 117.

Damas continua à prospérer sous l’empire Byzantin jusqu’à la conquête Perse en 635 Elle quitta alors définitivement la sphère occidentale pour celle de l’Orient devenant sous la dynastie des Omeyyades la capitale d’un empire Islamique qui s’étendait jusqu’en Asie Centrale et qui connut différents âge d’or, notamment sous le règne de Saladin (12è siècle) et en période ottomane du XVI au XVIIIè siècle. A partir de 1920 l’occupation française succédera à celle des Ottomans

Les cultes et édifices sacrés se sont succédés dans l’histoire sur le site de la grande mosquée de Omeyyades. Il y a plus de 3000 ans se déroulait un culte Araméen au dieu de l’Orage, Hadad. Du Ier au IIIè siècle s’éleva sur les vestiges de celui ci, le grand temple Romain de Jupiter dont les ruines sont toujours présentes. Il donne naissance au souk Hamidieh, la grande artère commerçante de la vieille ville. On utilisa d’ailleurs le mur romain pour construire la mosquée qui en comprend des vestiges.


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Après le triomphe du christianisme le site fut dédié à saint jean baptiste dont la tête, selon la légende aurait roulé jusqu’à Damas et transformé en église qui conserva sa liberté de culte 70 ans après la prise musulmane jusqu’à sa démolition au profit de la grande mosquée. La mosquée de Damas est l’une des plus vénérées de l’islam. Et l’une des plus sereines, à la spiritualité lumineuse. Tolérante, on y voit des enfants faire des glissades ou jouer au ballon dans la cour. L’atmosphère sereine incite à l’intemporalité, au rêve, à la réflexion.

A l’angle sud est s’élève le minaret de Jésus, car c’est en ce lieu que devrait descendre le Christ au moment du jugement dernier.

Le mausolée du grand Saladin qui couvrit la ville de médersas, écoles coranique réputées, côtoie la mosquée de Omeyyades ainsi que celui de Baïbar grand vainqueurs des croisés au XIIIè siècle.On trouve également à proximité, le tombeau du Sultan Nour ed Din grand vainqueur des croisés dont la madrasa date du XIIè siècle.

Non loin au sud, derrière le souk al bzouriyeh et ses épices aux parfums enivrants, se dresse le palais Azzem pour le gouverneur Assad pacha al Azzem au XVIII è siècle. Son architecture arabo ottomane raffinée se déploie avec magnificence dans le haremlek, le quartier des femmes.

Remaniée par les tremblements de terre, Damas se trouvait autrefois dans ce qui est aujourd’hui son sous sol. La crypte de la chapelle saint-Ananie ou le Saint rendit la vue à saint-Paul frappé de cécité par son illumination sur la route de Damas correspond au niveau qu’avait alors la ville.

Ainsi s’entremèlent et se superposent, dans la vieille ville de Damas, les strates des lieux sacrés des différents cultes qui de tous temps s’y établirent.

Derrière la mosquée des Omeyyades, près de sa porte Est, se trouve le café Al Nawfara, café dit des Hakawati. L’invitation à la prière du soir par le chant du muezzin est reprise ensuite par les autres mosquées de la Ville. Peu de temps après, commence le rituel des Hakawati, les conteurs traditionnels damascènes


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Le conteur lit en rythme avec une épée de fer dont, à certains moments, il frappe le sol en vociférant. En fait il connaît par cœur son texte et ce simulacre de lecture est une improvisation à laquelle assistent, jusqu’au dîner, les habituels fumeurs de narguilé, joueurs de backgammon, et petit peuple du quartier.Le récit tiré de la littérature orale médiévale est connu de tous. Il peut durer six mois par feuilletons quotidiens que les habitués damascènes ponctuent de cris entre deux bouffées de narguilé.

Puis la nuit tombe, Damas vue du Mont Kassioun qui la domine, tel un ciel coloré à l’envers, s’éclaire de millions d’étoiles multicolores.


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