Association de la psychanalyse et des médicaments . Perspectives nouvelles et controverses



Atelier IPA.

L'écriture - Psychanalyse et Art | Martine Estrade | Literary Garden

Sous la conduite de R. Gottlieb, modérateur, S Beers, S. Roose, A Tutter, J. Wright , ont envisagé, à travers le matériel de différentes analyses, des perspectives récentes sur la réalité de l’impact qualitatif de la prise de psychotropes sur la pensée, le fonctionnement cognitif et le processus analytique.

Si les intervenants et participants de l’atelier ont souligné l’incidence aujourd’hui élevée dans la pratique analytique de l’existence d’une prescription medicamenteuse associée, ils n’étaient pas impliqués dans le choix de celle-ci . La réalité s’est imposée à eux et, dès lors, ils ont manifesté un intérêt ouvert pour le sens de cette prescription et ses conséquences sur le processus en cours.

S Beers s’est focalisée sur le fonctionnement psychique de l’analyste non-médecin en cours de formation. Son patient, un homme de 38 ans au fonctionnement névrotique a reçu en cours d’analyse une prescription de benzodiazépines d’abord dissimulée à l’analyste. La prescription inflige à l’analyste une blessure narcissique et l’interroge sur la validité de la cure qu’il conduit, sur celle de l’indication. Productrice de fantasmes pour l’analyste comme pour le patient, elle introduit le doute sur une éventuelle résistance devant une prise de conscience de la sexualité et de l’agressivité. La thérapeute, non- médecin s’est sentie parfois impuissante au risque d’oublier que la prescription n’ôtait pas au patient jusqu’à la possibilité d’explorer les symptômes qu’il présentait et de s’analyser en présence d’autrui. Le patient a fantasmé que l’analyste se vengerait du défi et de l’offense. Le jugement clinique a été l’axe décisif pour la réflexion du thérapeute, et, au delà de l’aporie du cheminement a permis une issue favorable à la cure.

Le dr Wrignt interroge le paradigme courant que les mêmes symptômes qui conduisent le patient à l’analyste peuvent signaler un désordre biologique relevant d’un traitement chimique pour souligner l’absence de modèle intégrant les différentes approches. Si les psychiatres ne sont pas poursuivis pour ne pas avoir recommandé l’analyse à un patient névrotique, ils encourent le risque de l’être s’ils ne proposent pas de médicaments à un dépressif. Les assurances et lobbies médicaux contribuent à propager l’image fictive que le médicament EST le traitement réel, qui agit directement sur le cerveau, l’analyse étant un ajout pour le soutien mais non essentielle. L’évaluation scientifique de l’efficacité dépasse rarement 4 à 8 semaines et les pressions sociales sont fortes pour la prescription. J. Wright présente le cas d’une enfant de 7 ans lourdement médiquée notamment à la ritaline qu’elle tentera de suspendre en dépit des pressions scolaires et familiales et qui sera réintroduite. Lors des périodes sans médication, la capacité de symbolisation de l’enfant s’accroit. La médication provoque le retour de l’excitation et de scenari répétitifs, un recul de la capacité symbolique. La qualité du processus analytique s’en ressent.Dans une pratique psychiatrique ou le médicament devient l’analyseur du comportement, le dr wright plaide pour une étude des changements du fonctionnement cérébral induits par l’analyse seule en l’absence de médicaments, et pour la nécessité de penser un modèle intégré et unifié dans une étude plus approfondie des traitements associés. Elle est soutenue dans ce point de vue par un intervenant de l’atelier, pharmacologue.

Le cas d’un étudiant de 2O ans ayant présenté des crises d’attaques de panique après avoir fumé de la marijuana a permis de souligner les biais dans le choix d’une thérapeutique. Puisqu’il s’agit d’une prise chimique la conclusion vient, parfois un peu rapidement que les bases doivent en être biologiques. Le patient lui même s’adresse à un service de psychopharmacologie et obtient un résultat, rapide et efficace sur ses attaques de panique, mais lui laissant un état de déréalisation persistant dans le temps. C’est ce qui l’amènera dix années plus tard à recourir à l’analyse .L’auteur souligne la pauvreté du vocabulaire psychiatrique regroupant dans la catégorie phénoménologique des troubles anxieux des symptômes relevant d’états psychodynamiques , -et sans doute biologiques-, très différents.

L’atelier coordonné par le dr Gotlieb a été marqué par l’ouverture. La question de la prescription aire d’ouverture ou aire devant être exclue dans la pensée de l’analyste s’est maintes fois posée soulignant des points de vue différents suivant les générations chez les psychanalystes. Les plus jeunes, à fortiori en dehors de l’europe, se montreraient souvent plus pragmatiques et moins idéalistes vis a vis d’une analyse sous médication qui s’impose d’emblée à eux comme une réalité.

Le bon sens clinique devait s’avérer un allié dans chaque situation ne dispensant pas de s’intéresser au transfert et au processus analytique avec ou sans médicament mais, au contraire, en se montrant plus confiant dans l’analyse et en s’intéressant à ses variations qualitatives dans le processus, le transfert et le contre transfert. Si certaines médications anxiolytiques n’ont pas eu d’effets suspenseurs sur le processus analytique, voire parfois l’ont favorisé en le dégageant d’un accès dépressif ou anxieux, d’autres semblent inhiber qualitativement celui ci et s’opposer à la symbolisation. Les conséquences thérapeutiques sont virtuellement importantes et devraient être étudiées avec sérieux dans une perspective multidisciplinaire dégagée d’une idéologie sous le joug de la pression économique et de la productivité à court terme.

Au total un atelier intéressant et optimiste rendant au jugement clinique et au discernement ses lettres de noblesse dans la pratique analytique.

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